dimanche 8 avril 2018

La nuit


Au loin, il y a le chant des bêtes de la nuit. La Nuit.  Elle lui a toujours fait peur.  Il l'a toujours considérée comme une ennemie ; polymorphe, changeante, incertaine, diabolique.  Elle lui a toujours suggéré les frayeurs les plus intenses.  Elle lui a toujours susurré des horreurs à l'oreille de l'imaginaire.  Elle lui a toujours fait prendre conscience qu'il était un être fini, que l'invincibilité était une imposture imposée aux Hommes pour leur faire croire à l'éternité.  Dès lors, il n'a jamais eu qu'un seul combat.  La bâillonner.  Mais la Nuit est une grosse dame, pesante et mal élevée, hystérique et hurlante qu'il est complexe de restreindre.  Et puis elle a l'expérience des millénaires pour l'aider dans sa défense. 

Il a donc choisi la stratégie de la séduction. Cela commence par une longue période d'observation et de traduction.  Le bébé qu'il était restait donc, le noir venu sur le quai du soir,  des heures entières les yeux ouverts.  Il ne regardait rien en particulier. Il s'autorisait simplement à plonger son esprit dans le liquide nocturne.  Il fallait tout lire de la noirceur de son berceau, puis de sa chambre, puis de celle de ses parents, puis des lieux intimes de la maison, puis des lieux de vie, puis du jardin, puis de la rue, puis de la ville et ainsi jusqu'aux limites même de sa propre imagination de nouveau né, d'enfants, de jeunes adultes et d'adultes.  Il sait les angoisses qui en ont résulté tant la lecture était longue et lente, tant il fallait apprendre une langue aux contours si indéfinissables.

Si l'archéologue de lui-même qu'il était s'était arrêté là, il n'aurait été que l'égyptologue qui a compris la grammaire des hiéroglyphes sans jamais en déchiffrer le sens. Voilà bien un rêve qu'il n'avait pas.  Il a continué.

Les souffrances qui résultèrent de cette décision furent douloureuses, à n'en pas croire le sens tellement elles étaient intenses.  Ne pas dormir quand on est si avide d'endormissement, quand le corps crie combien il en a besoin.  Cela fait mal. Les larmes coulent d'elles mêmes.  Elles lubrifient le poids douloureux de la fatigue.  Elles n'emmènent rien d'autres que les énergies ultimes qui pourraient aider à mieux vivre l'existence diurne, celle de tout un chacun.  On se dit que la nuit va nous faire devenir un sous-marin, qui, tapi au fond d'un océan de pression, en panne, va se trouver broyer et n'être plus qu'une épave. Alors, on décide une nouvelle étape. On la trouve pour que l'implosion n'est pas lieu.  C'est là que l'on comprend comment la séduire. C'est à ce moment précis où, capitaine, les cartes sous-marines ne sont plus des dessins mais des guides qui font sens.

Et l'on rêve.  Et l'on rêve encore et encore.  Et l'on rêve toujours. 

Le rêve est chimère.  Pour lui, au contraire,  ce sont les sourires que l'on adresse à celle que l'on aime pour la première fois.  Ce sont les premiers mots d'amour que l'on écrit sur une feuille quadrillée.  Ce sont les premiers soubresauts d'une main que l'on pose sur celle de l'être aimé.  Ce sont les premiers signes d'une fièvre inconnue, jubilatoire et libératoire.   C'est la meilleure façon de se convaincre que la nuit n'est rien d'autre que ce qu'elle est.   Une grosse dame à séduire.  Une grosse dame qui n'attend que ça et qui l'accepte bien volontiers.  A chaque être humain, sa mythologue intime.  La sienne il la forge à coup de rêves.  C'est le meilleur moyen d'être comme les autres. Ceux-là même qu'il n'arrivait pas à rencontrer du fait de son impossible endormissement.

Il rêve.  Il rêve encore et encore.  Il rêve toujours. Il vit enfin.

Mais il vit dans un univers qui ne s'impose qu'à lui-même.  Il vit. Mais pas comme les autres - contrairement à ce qu'il pensait. Et il sait cette singularité.  Il la ressent au plus profond de lui au point de se persuader qu'il n'est pas comme les autres.  Cela permet d'être plus fort à l'intérieur.  Cela fragilise à l'extérieur.  A force de penser que rien n'est aussi spéciale et spécifique que soi, on finit par penser que l'Autre n'a ni d'importance, ni le droit d'émergence.  Il vit mais il frôle l'apartheid affectif : lui et les autres n'ont pas les mêmes droits.  A continuer ainsi,   il est conscient, sans se l'avouer dans les premiers temps, que seule une camisole ou une pendaison pourrait l'en sortir.  Il ressent - tout au fond de son intime délire - que la nuit est - contre toute attente - prête à gagner.  Elle a été séduite mais elle devient une partenaire jalouse qui ne veut le partager avec personne.

Faut-il qu'il rêve toujours ? Faut-il qu'il rêve encore et encore ? Faut-il qu'il y mette fin ?

La réponse ne vient pas seule.  Elle s'accompagne d'une armée d'angoisses que la chimie humaine pourra durablement annihiler.  Sur le terrain des combats, il reste des armes et des corps qu'il convient de rassembler pour trouver un indice, peut-être plusieurs.  Toutes les armures sont là.  Posées les unes à côté des autres et à bien les regarder, elles forment un message.  Il peut rester avec la nuit !  Il peut rêver !  Mais il doit surtout partager ses rêves pour qu'ils deviennent une monnaie d'échanges affectives.  Il le sait, c'est la clé pour rétablir ce lien avec les autres.  Pour créer ce nouveau langage qui lui a tant manqué jusqu'à présent.   C'est artifice ! Il le sait.  Mais les apparences de la norme seront sauves.  N'Est-ce pas l'essentiel : qu'en apparence tout soit follement normal ? 

Ce n'est sans doute pas toujours l'essentiel mais c'est l'essence même de l'humanité alors cela conviendra bien, pour quelques décennies, au moins.  Et pourquoi pas, pour une vie.  Il devient l'architecte de sa propre insubmersibilité ; double coque et portes étanches à tous les niveaux.  Pour le reste, en cas de grosse mer, il faudra des moteurs puissants.  Pour les vagues scélérates, il fera au mieux pour orienter la proue face à l'écume et il prendra l'eau sans jamais couler.   Il espère simplement qu'aucun iceberg ne sera assez puissant pour l'anéantir, comme d'autre.  Il espère surtout que la double vie qu'il s'apprête à entamer ne l'entamera pas au point de lui faire regretter le si peu d'équipements de sauvetage qu'il a posé sur les flancs de l'apparence.

Il rêve.  Il rêve encore et encore. 

Le cuirassé a des avantages mais il a des défauts.  Il n'éprouve pas de franches joies ni de franches tristesses - elles avaient déjà été rêvées.  Il n'éprouve pas de franches déceptions parce qu'il y a toujours un rêve pour laisser à penser que d'autres liens, d'autres lieux, d'autres personnes sont possibles... Il ressent mais le rêve met tout de suite à distance au point de n'être pas toujours en phase avec les émotions collectives.  Il a pourtant tout prévu : les salons d'apparats sont là pour faire illusion.  L'illusion de l'accomplissement de soi.  Il en convient - à demi mot - c'est un accomplissement incomplet.  Mais il lui permet, au moins, de faire écrire sur la pierre de son existence : il a vaincu la nuit en vivant avec.

vendredi 4 décembre 2015

Comment?

Comment peut-on laisser dire à l'extrême droite ce qu'elle dit ? Comment peut-on laisser à ce point, la médiocrité de la pensée s'installer ? Comment peut-on laisser une histoire qui nous a pourtant déjà tout dit et tout démontrer, se répéter ! Nous sommes les accoucheurs des actions qui feront honte à nos enfants.   

Que les salauds se regardent, ils verront le reflet des lâches dans leurs pupilles !


lundi 16 novembre 2015

Peur

Il n'y a rien de plus légitime que la peur. Sans elle rien de possible... Gardons-nous toutefois de tout sentiment de crainte la concernant. C'est en ayant peur de la peur que l'on devient immobile et paraplégique face à notre propre destin.

Émotions

A force d'émotions, il est parfois complexe de laisser la pensée s'installer. Or, c'est elle et elle seule qui permet de vaincre l'obscurantisme de l'instant et du ressentiment.

lundi 26 octobre 2015

Valeur

A force de n'avoir aucune valeur sinon celle du plaisir à tous prix et à tout prix, il va de soi que notre société n'a d'autre choix que celui de l'agonie.

lundi 12 octobre 2015

Mensonge

Il faut admettre que peu de gens ne mentent pas. Mais il faut admettre que nombreux sont les gens qui mentent mal. Le docteur es mensonge est celui qui retire toute forme de passion pour qu'il touche non au coeur mais à l'esprit. La passion étant intrinsèquement liée à l'humanité, il est pratiquement impossible à un Homme d'être un menteur émérite ! Sauf depuis Descartes !

Apparence

Il faut toujours se méfier de ceux qui font état d'un bonheur sans ombre ni nuage. Meditons, à ce propos, la réflexion qui suit: un gourmand qui dirait ne pas connaître le goût du vomi serait comme un mort qui respire, une incongruité !